c'est pas rien un titre
" j'étais derrière toi "
" l'été où il faillit mourrir "
" entre les murs "
je viens juste de me rendre compte de ce détail
un titre doit d'abord donner envie, certes, mais combien de mauvais titres pour de bons livres
prenez " hello, darling " par exemple
plus qu'aguicheur, un titre doit ouvrir le champ des possibles, rester vague pour mieux faire fantasmer le lecteur
puis une fois l'objet lu, il doit tout à la fois mettre l'oeuvre en perspective & l'englober, en même temps que de créer entre lui & le lecteur une communauté de biens
un titre ne devient réellement bon qu'après la lecture, sinon il n'est juste qu'un titre
je n'ai jamais lu " j'irai craché sur vos tombes ", je le ferai certainement un jour, mais c'est le genre de titre qu'il est difficile d'assumer, j'ai bien peur qu'il ne s'agisse juste que d'un assemblage heureux de peu de mots, plus proche de la poésie si le contenu ne vaut rien
redouter de lire certains livres de peur de les trouver mauvais, c'est terrible
ce n'est pas le cas de " entre les murs " qui est bon avant, mais aussi après
entre les murs, ça sonne, c'est goulayant, ça donne envie d'en savoir plus, à la limite du pavlovien : mais putain, entre quels murs ?
après avoir dévorer les mots, la lente & longue relecture du titre, comme pour en tirer encore un dernier arôme, les yeux dans le vague, quand la dernière page est terminée, n'en est que plus savoureuse
entre les murs, c'est paris intra muros, bien sûr, mais aussi les murs du 19ème arrondissement qu'on ne quitte jamais ; ce sont les murs de l'enceinte du collège, telle une prison avec ses grilles & sa hiérarchie, ses codes & ses taulards, les élèves, mais aussi les murs du troquet où l'on boit un dernier café avant l'affrontement en essayant de retenir les derniers instants, les murs de la classe, le théâtre même de l'affrontement, mais aussi ceux de la salle des profs, où l'on se réfugit auprès de pairs mal assortis ; enfin les murs contre lesquels on se cogne, même si l'on ne croit pas en grand chose comme le narrateur : son incapacité à être un acteur réellement convaincant au sein de ce carcan, bref les limites de son propre environnement mental
c'est un beau titre que tu as trouvé là françois & c'est un beau livre que tu as écrit too ; en tant qu'enseignant, je jalouse ton concept : on fait le même métier ou presque, mais tu as su trouver le bon moyen d'en parler & sans tomber dans le psychologisme que je conchie
" l'été où il faillit mourir ", c'est plus classique, c'est de la fiction lambda, avec l'emploi du passé simple et tout et tout, mais quand il s'agit de la vie même de big jim dont il est question alors qu'il n'était qu'un enfant, cela met en perspective le poids de sa bibliographie : point de dalva, point de chien brun, point de légendes d'automne si le petit harrison était décédé cet été là, & ça, ça donne à réfléchir
jim, tu es gros, vieux & moche, tu es dépressif, colérique & excessif, mais je t'aime
& il y a " j'étais derrière toi ", celui que je préfère : 4 mots, 1 poème
je & tu, toi & moi, elle & il ...
j'étais derrière toi
fargues de dos sur la couverture
une rupture & une rencontre entremêlées
1 homme, 2 femmes
1 blanche, 1 noire & " un petit blanc "
la simplicité même, sans fard
ce récit est certainement le plus faible des trois, mais par la magie du titre, il est celui dont je me sens le plus proche
" j'étais derrière toi ", c'est juste l'histoire d'un homme qui ne se retourne jamais, mais qui va être contraint de s'arrêter
pour donner confiance aux malassortis, aux largués & aux en-manque-d'amour de tout poil qui ne savent plus ce que c'est que séduire ou qui plus simplement n'ont pas le courage de leurs actes, & j'en connais...